Densifier la zone entre Bruneseau et les Ardoines peut-il être considéré comme un urbanisme favorable à la santé ?
Il y a un manque de logements en Ile de France et dans les années 2000 les anciens quartiers industriels du bord de Seine au confluent avec la Marne, relativement moins densément peuplés que le reste de la petite couronne, sont apparus comme des zones à densifier malgré leur caractère inondable. Ces nouveaux quartiers qui à terme vont faire venir 60 000 nouveaux habitants sont les Zone à Construire (ZAC) Bruneseau Seine, Bercy, Ivry Confluences, et les Ardoines. Ils font partie de l’Operation d’Interet National (OIN) Orly-Rungis-Seine-Amont et leur densification a été confirmée dans le dernier schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) et le dernier plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) du Grand Orly Seine Bièvre (GOSB).
Nous voyons de plus en plus arriver dans les différents documents qui cadrent le développement urbain de cette zone, la notion d’urbanisme favorable à la santé. L’Agence Régionale de Santé d’Ile de France écrit en 2024 qu’elle a participé à l’élaboration du SDRIF 2040 “pour que la santé soit prise en compte dans les projets d’urbanisme et d’aménagement du territoire”. Dans le dernier PLUI du GOSB il est également écrit que celui-ci respecte un “urbanisme favorable à la santé”.
Après nous avoir vendu les éco-quartiers pour justifier un urbanisme pourtant très dense, peu adapté au changement climatique avec très peu d’espaces de pleine terre et très peu d’espaces verts qualitatifs, nous pouvons nous interroger sur ce nouveau concept utilisé pour faire accepter aux riverains de nouveaux projets immobiliers.
Après le “greenwashing” en urbanisme sommes nous à l’époque du “santé washing” ?
L’ANSES en 2012 et 2024 a écrit que “l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique, notamment celle issue du trafic routier, n’est plus à démontrer”, et que “les habitants qui résident à moins de 150 mètres de rues ou de routes empruntées par plus de 10 000 véhicules par jour, sont exposés à des niveaux importants de pollution.”
Chez ces habitants -vivant à moins de 100 mètres d’un axe routier majeur- le risque relatif de décès toutes causes confondues est augmenté dans certaines études de 41% !
L’augmentation du risque cardio-vasculaire et du risque de mourir d’un accident vasculaire cérébral chez les habitants vivant à moins de 200 mètres d’une route passante a été documentée par de nombreuses études ainsi que le risque d’asthme et de son aggravation.
A tous ces risques s’ajoute un surrisque de plus de 700 maladies, chez les patients exposés à à long terme à la pollution liée au trafic autoroutier. En plus des maladies cardio-vasculaires, on retrouve un risque plus important de démence, de bronchites chroniques, de diabète, d’insuffisance rénale terminale, d’infections respiratoires chez le nourrisson, de faible taille de naissance, d’autisme, de maladies oculaires (myopie, et cataracte), d’infections urinaires, de maladie de charcot, de cancers (sein, poumon, leucémie chez l’enfant, lymphomes chez l’adulte, cancer du foie, estomac, du cerveau et vessie) mais également de suicides et de maladies psychiatriques.
En sachant cela, peut on parler d’urbanisme favorable à la santé quand l’ensemble du quartier Bruneseau Seine est non seulement à moins de 100 mètres du périphérique mais aussi à moins de 100 mètres du boulevard des Maréchaux, moins de 100 mètres d’une usine d’incinération d’ordures ménagères, moins de 100 mètres d’un axe ferroviaire majeur et à moins de 500 mètres de l’autoroute A4 ? L’ensemble de la ZAC Charenton Bercy est à moins de 100 mètres du périphérique, de l’autoroute A4 et d’un axe ferroviaire majeur.
Le projet Quais d’Ivry est localisé dans une des zones dont les expositions environnementales sont considérées comme les plus importantes d’Ile de France d’après l’Institut Paris Région (score de 67/100) alors que la population qui y vit est considérée comme particulièrement vulnérable aux risques environnementaux (score de 72/100). Pourtant le nouveau PLUI valide le nouveau projet de Quais d’Ivry qui va faire venir 3000 habitants dans un espace de 4 hectares, avec 8 tours de plus de 10 étages. Avec un espace vert de 7500m2, cela va conduire, à l’échelle de l’îlot à 2,5m2 d’espace vert par habitant ce qui est loin des recommandations de l’Organisme Mondial de la Santé (qui recommande entre 10 et 15m2/hab). Le manque d’équipements sportifs et culturels prévus n’est pas favorable à la santé alors qu’actuellement 80% des enfants n’ont pas assez d’activité physique et la saturation prévisible des axes routiers avec autant de nouveaux habitants ne pourra conduire qu’à une dégradation de l’exposition au bruit également nocive à la santé.
Dans le dernier rapport du Haut Commissariat de la Stratégie et au Plan publié en Octobre 2025, il est évalué que les facteurs environnementaux en France sont responsables d’autant de morts que le tabac.
Au-delà de l’intention, comment garantir auprès des habitants qu’un urbanisme favorable à la santé se traduise réellement en un urbanisme qui améliore la santé publique des habitants en diminuant le nombre d’habitants exposés à des risques sanitaires ? Utiliser des mots comme “urbanisme favorable à la santé” engage les acteurs qui l’utilisent et ils sont donc responsables de démontrer que leurs projets urbains le sont réellement.
Densifier une zone où il existe un sur-risque de maladie signifie une augmentation des dépenses de santé car la collectivité doit payer pour des frais de santé et d’invalidité qu’elle n’aurait pas eu à payer si l’habitant ne résidait ou ne travaillait pas dans cette zone. Nous pensons, qu’en cas d’urbanisation nécessaire dans une zone très polluée, une évaluation des surcoûts sanitaires liés à la densification de cette zone doit être réalisée avant toute initiation d’un projet urbain.
Lors de l’enquête publique concernant le PLUI GOSB, la commissaire enquêtrice a souligné le risque de contestation du projet Quais d’Ivry. Si les habitants souhaitent une réhabilitation du quartier d’Ivry Port Nord, beaucoup s’inquiètent de la densité prévue par l’actuel projet de Quais d’Ivry. Nous pensons que ce projet doit être revu avec une baisse de 50% de la densité prévue à l’échelle de l’îlot et un dégagement de la vue vers la Seine avec limitation du nombre de bâtiments à moins de 300 mètres de l’Autoroute A4.
