PLUI Grand Orly Seine Bièvre : Ivry sur Seine

Avis des associations Urbanicc et Passerelles– Juin 2025

1/ Les enjeux intercommunaux

Comme l’indique le document « bilan de la concertation », la ville d’Ivry a fait le choix « d’inscrire la concertation du PLUI dans la continuité de la réflexion sur le PLU et de  son  projet de territoire ». Urbanicc et Passerelles regrettent  que cette concertation n’ait pas été l’occasion de sensibiliser les habitants aux enjeux intercommunaux et au rôle de l’EPT . Ainsi les échanges sur le développement urbain d’Ivry n’ont pu s’inscrire dans celui du territoire plus large du Grand Orly Seine Bièvre :

  • Ivry est en pourtant concerné par des OAP sectorielles stratégiques dans le développement du territoire intercommunal : Les Portes de Paris et la vallée de la Seine et de ses affluents.
  • Par ailleurs l’approche intercommunale aurait permis d’éclairer les débats avec les habitants qui s’interrogent sur le niveau et le rythme de développement urbain d’Ivry, et sur la densité des projets urbains. Il aurait été intéressant d’inscrire ces débats dans une vision globale de la contribution des différentes communes du GOSB aux besoins en logements. L’importance de ces besoins en Île-de-France est en effet l’argument opposé systématiquement aux réserves des habitants sur le niveau de densification, ce qui ne permet pas d’avoir de vrais débats sur les choix urbains. 

2/ Les risques naturels et les risques liés à la pollution

Ivry fait partie des territoires du GOSB multi-exposés, comme le soulignent les différents documents du PLUI : exposé d’une part aux inondations (54 % de son territoire) tant par débordement que par remontée des nappes phréatiques, ou que par ruissellement des eaux ; exposé d’autre part aux pollutions passées et actuelles des sols et à la pollution de l’air. 
Or le choix politique est fait de fortement densifier la vallée de la Seine et donc d’exposer un grand nombre d’habitants à ces risques, tout en déclarant dans le PLUI « penser un urbanisme par le prisme de la santé ».


Face à l’aggravation des catastrophes naturelles dues  au dérèglement climatique, aux incertitudes sur les risques sanitaires liés à la pollution de certains équipements, aux incertitudes sur la réalité de la dépollution des sols en profondeur, les habitants s’interrogent :

  • sur l’efficacité des plans de prévention, des mesures envisagées pour atténuer les impacts d’une urbanisation importante de ces zones multi-exposées,
  • et sur la prévision des plans d’évacuation en cas de crues. 

Inondations

Les habitants s’étonnent que dans un tel contexte d’incertitudes sur l’évolution des inondations, et après la catastrophe de Valence, ces questions n’aient pas été abordées dans les réunions publiques. Ils s’étonnent d’autant plus que dans les documents du PLUI,  il est indiqué « la préparation à d’éventuelle gestion de crise passe par la sensibilisation et le partage de la culture du risque par l’ensemble des acteurs locaux et la population ».

Pollutions

Le collège Assia Djebar construit depuis 2015, n’a toujours pas ouvert, ayant dû faire l’objet d’une opération lourde de dépollution après le relevé d’émanation de mercure lors de sa livraison. Ce scandale a fait perdre aux habitants la confiance dans la capacité des acteurs à prévenir et à prendre les mesures correctives nécessaires. Ils s’étonnent que, malgré des demandes réitérées, les résultats des analyses faites dans les zones habitées autour du collège n’aient pas été communiqués au public. Cet incident du collège augmente l’inquiétude des habitants sur les risques sanitaires que pourrait générer une inondation lessivant des sols partiellement ou imparfaitement dépollués.

Urbanicc et Passerelles s’étonnent que l’impact de l’incinérateur Paris XIII/Ivry soit minimisé dans les documents du PLUI alors que depuis trois ans un collectif d’habitants, le Collectif 3R, avec l’appui du bureau d’étude néerlandais ToxicoWatch, met en évidence que l’incinérateur génère un niveau de pollution à la dioxine et aux métaux lourds pouvant comporter un risque sanitaire. Ils s’étonnent que malgré ces analyses, les projets de densification extrême (avec des programmes importants de logements, d’écoles…) autour de l’incinérateur, donc dans le périmètre le plus exposé, ne soient pas requestionnés.

On rappellera que l’incinérateur actuel brûle six fois plus de déchets que la moyenne des incinérateurs en France alors que c’est l’un des incinérateurs entourés de la plus grande densité d’habitants.. Cette situation est très anormale sur le territoire français.

Le prochain incinérateur brûlera deux fois moins de déchets, ce qui reste trois fois plus que la moyenne dans un département (le Val-de-Marne) où les habitants sont soumis à deux fois plus de kilos de déchets incinérés par habitant que le reste de l’Île-de-France.

Les acteurs publics n’apportent pas de réponse aux questions des habitants sur les risques sanitaires liés à cette pollution, sur les normes, sur le système de contrôle, de surveillance et d’alerte, sur les précautions à prendre. Par ailleurs les habitants constatent que dans d’autres pays européens les normes sont plus strictes et les choix d’implantation des nouveaux incinérateurs se portent sur des sites peu habités. Tout ceci alimente l’inquiétude des habitants, en tant que résidents dans un environnement potentiellement pollué et à risque pour la santé et en tant que parents d’enfants exposés à ces risques.

3/ OAP Quai d’Ivry

La dernière version  du projet urbain  « Quai d’Ivry » présentée en réunion publique en janvier 2025  — qui ne correspond pas à l’OAP sectorielle contenue dans le dossier du PLUI prévoit la démolition du  centre commercial Quai d’Ivry, son remplacement par un nouveau quartier mixte de 1 400 équivalents logements (1150 logements familiaux et 500 unités spécifiques), d‘activités et de commerces avec un déplacement de Carrefour de l’autre côté de la rue Westermeyer et la création d’un jardin public de pleine terre de 7500 m2 au centre du quartier.

Lors de la concertation, les habitants ont approuvé la démolition de ce centre très dégradé et disqualifié et la future construction d’un quartier mixte autour de rues et d’un parc de pleine terre.

Mais ce projet de reconstruction soulève beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations :

  • Malgré la diminution de 13 % de la surface construite à l’issue de la concertation, le projet prévoit un quartier extrêmement dense sur un site très contraint et soumis à des risques majeurs : situé en zone très inondable, dans le périmètre de 1 km le plus exposé à la pollution de l’incinérateur, sans moyen de transport adapté (ni métro, ni tramway), encerclé par des axes routiers au trafic très dense, et avec une accessibilité qui peut s’avérer très fragile en cas de crue.
  • Ce nouveau quartier, qui sera marqué par un urbanisme de tours (8 tours de 16 étages) peu apprécié par les habitants, aura une densité bâtie de 2,6 et accueillera plus de 3 000 habitants sur 4,5 ha, soit une densité de 684 habitants à l’hectare dans la fourchette la plus haute des îlots urbanisés de la ZAC Ivry Confluence. 
  • Il n’y a pas d’engagement précis sur la requalification et le désenclavement de la cité des Fauconnières, limitrophe du centre commercial, où les conditions d’habitat sont aujourd’hui très dégradées. Pour l’instant le projet ne propose pas de solution précise pour la meilleure intégration de cette cité dans le futur quartier et ne donne aucune indication sur un programme de réhabilitation, en accompagnement du projet urbain.
  • La rue Westermeyer, axe majeur du projet, va cumuler des fonctions qu’il sera difficile de faire cohabiter : axe routier d’accès à Ivry dans le prolongement du pont Mandela, rue commerçante avec des flux piétons, piste cyclable, desserte d’un grand nombre de logements….
  • Les conditions d’accès public au jardin ne sont pas garanties, pas plus que la mobilisation des moyens qui seront nécessaires pour assurer sa bonne gestion et la régulation de ses usages dans un environnement très habité. 
  • Les besoins d’équipements publics générés par cette arrivée de population ne sont pas pris en compte (crèches, piscine, gymnase, salles associatives…).
  • L’ouverture sur la Seine très demandée pas les habitants n’aura pas de réalité en raison du front bâti constitué par 3 hauts immeubles, même s’ils sont séparés par des traversées vers la Seine.
  • Il est regrettable qu’à l’angle des rues Jean-Jacques Rousseau et Westermeyer le square prévu dans le 1er projet soit remplacé par un ensemble massif d’immeubles.
  • Le chantier de démolition-reconstruction va causer des perturbations, des désordres et des nuisances pour la copropriété attenante au centre commercial et pour la cité des Fauconnières. Il est nécessaire que l’engagement à les atténuer, à les compenser et à rechercher les solutions techniques indispensables soit ferme et précisé.
  • Le programme de places de stationnement prévu dans le projet ne répond pas aux besoins importants liés aux équipements du quartier — aujourd’hui ce sont les parkings de Carrefour qui répondent à cette demande. En outre, on sait que le projet de construction de la mosquée ne prévoit pas de stationnement. Par ailleurs il n’a pas été précisé la façon dont serait organisée et gérée la réponse envisagée par des «parkings mutualisés».

Si les améliorations apportées par la dernière version du projet sont reconnues, il est attendu une diminution significative du programme de logements et un urbanisme apaisé, avec des immeubles de moindre hauteur, en cohérence avec le tissu de faubourg des alentours. Les nouvelles analyses de la pollution de l’incinérateur rendues publiques devraient conduire à questionner particulièrement le programme et la densité de ce projet situé dans une zone très exposée.

4/ OAP Confluence

La réalisation du programme de la ZAC étant très avancée, les acteurs estiment que les orientations stratégiques du projet et le programme ne doivent plus être au cœur de la concertation. Celle-ci aujourd’hui s’organise essentiellement autour de la réalisation de l’aménagement des espaces publics. 

Néanmoins beaucoup d’interrogations demeurent sur un projet qui s’étale sur trente ans :

  • Le bilan 2024 de la ZAC présenté au conseil municipal fait le constat que la commercialisation des surfaces d’activité tertiaire et de bureau livrées rencontre des difficultés. De plus le bilan financier prévisionnel de la ZAC est nettement déséquilibré. Aussi les habitants s’inquiètent que des solutions soient recherchées par une augmentation de la production de logements alors que la densité est déjà très élevée dans une zone exposée à des risques. Les habitants n’ont aucune visibilité sur l’évolution envisagée pour ce programme. Et l’OAP n’apporte aucune information sur ce point.
  • Urbanicc et Passerelles  s’étonnent que le plan de l’OAP ne prévoie pas de principe d’espaces verts à créer dans les deux secteurs du terrain Gambetta et de l’Ivrynage des Lampes. Le terrain Gambetta fait aujourd’hui l’objet d’un aménagement temporaire pour des activités de plein air mais il est important qu’à terme son urbanisation prévoie un espace public de proximité dans ce secteur densément peuplé, au cœur du quartier. Le futur Ivrynage des Lampes au sud-ouest de la ZAC devrait comporter un grand espace vert public au cœur de l’îlot, conformément au plan masse de la ZAC. La confirmation de ce principe dans l’OAP est importante car ce secteur du quartier est peu pourvu en espaces verts de proximité et aires de jeux pour les adolescents…
  • Espaces de pleine terre et coefficient de pondération : pour l’habitat, le règlement prévoit 50 % d’espaces verts avec un coefficient de pondération pour les espaces verts de pleine terre, noues, bassin de rétention de 1,5 (alors qu’il est en général de 1). Il ne fixe pas de règle pour les emprises au sol. Ainsi une parcelle pourrait être construite à 100 %. C’est problématique pour la gestion des eaux pluviales en général et en particulier lors de crues. Par ailleurs il n’est pas compréhensible que la règle soit moins contraignante pour les bureaux, le commerce, l’artisanat et l’industrie. En l’état le PLUI n’intègre pas une réelle ambition sur une limite à l’artificialisation des sols alors que c’est pourtant un levier majeur pour la gestion des eaux pluviales, la lutte contre les îlots de chaleur et pour la biodiversité via la plantation des espaces libres.  
  • Le PLUI affiche des objectifs de désimperméabilisation. Or la première phase de la ZAC a fortement minéralisé les sols. Il serait souhaitable que l’OAP prenne en compte la proposition des habitants d’un plan de microvégétalisation en priorisant les secteurs de la 1ère  phase et les îlots existants non concernés par les projets.
  • Le sud-ouest de la ZAC, secteur des Lampes, ne sera urbanisé qu’à moyen terme dans la dernière phase de la ZAC. Le programme et l’organisation urbaine du projet sur ce grand îlot mériteraient d’être réexaminés dans le cadre d’une concertation avec les habitants .  Cette nouvelle concertation permettrait de  tenir compte des enseignements du fonctionnement des ensembles résidentiels déjà construits autour et  des besoins qui émergent en équipement et espaces de proximité. Cette reconsidération pourrait également être l’occasion d’étudier des solutions adaptées au maintien du tissu des petites entreprises et des activités artisanales qui se sont développées dans ce secteur. Nous proposons que cette intention soit inscrite dans les orientations d’aménagement énoncées dans l’OAP.
  • La réponse aux besoins en équipements des différents secteurs de la ZAC dans certains domaines n’a pas été clairement précisée : crèches, équipements sportifs, équipements sociaux…

5/ OAP Cœur de ville

Le  square Coutant est un espace vert auquel les habitants sont très attachés, le considérant comme une oasis de calme et de fraîcheur au centre-ville. Urbanicc et Passerelles regrettent qu’il ne soit pas inscrit comme espaces verts à protéger. Ceci ouvre la possibilité dans le futur plan masse du projet urbain autour de l’hôtel de ville de construire sur l’assiette du square sans avoir la garantie de la reconstitution d’un espace vert public avec ses qualités actuelles.

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